Les craintes des luddites n’étaient pas totalement fondées. Car si l’innovation technologique détruit des emplois, elle en crée également de nouveaux. Souvienez-vous, l’économie subit un processus de destruction créatrice. Mais qu’est-ce qui a été détruit, et qu’est-ce qui a été créé ?
Avec la Première Révolution Industrielle, l’économie a basculé d’une structure agricole à une structure industrielle. Mais avec l’essor des nouvelles technologies et de la robotisation, nous produisons de plus en plus de services : on parle d’économie tertiaire. Depuis 1970 en France, la part des emplois du secteur tertiaire a bondi de 50% à près de 75% !
La production par heure de travail (productivité) s’accroît plus rapidement dans la production manufacturière (par exemple, des tee-shirts) que dans la production de services (coupes de cheveux, enseigner, jouer une pièce de théâtre...)
Faire une coupe de cheveux nécessite à peu près autant de temps aujourd’hui qu’il y a 100 ou 200 ans. Prenons un cas encore plus extrême : il est difficile (et peu recommandé) d'augmenter la productivité d'un acteur de théâtre. Une pièce de Shakespeare, tel que Hamlet, prend autant de temps à jouer en 2024 que lors de sa parution en 1603 !
Mais produire un tee-shirt prend beaucoup moins de temps qu’il y a 200 ans (probablement moins d’un cinquième de la durée auparavant nécessaire à sa production). Produire le même panier de biens et services requiert maintenant relativement moins de main-d’œuvre dédiée aux biens agricoles ou industrielles et plus de main-d’œuvre dédiée aux services.
Dit autrement les gains de productivité sont plus importants dans les secteurs primaire et secondaire que dans le secteur tertiaire. Le niveau de l’emploi dans les secteurs primaire et secondaire peut être amené à baisser si les quantités offertes et produites augmentent plus vite que la demande globale qui leur est adressée. Au contraire, le niveau de l’emploi peut progresser dans le secteur des services.
C’est la thèse du « déversement » développée et médiatisée par Alfred Sauvy. Cette dynamique est positive puisqu’elle permet de produire toujours plus avec moins de facteurs de production ce qui amène à une croissance économique soutenue, avec la multiplication des produits agricoles et industriels et la baisse des prix de ces mêmes produits.
Toutefois, les salariés qui perdent leurs emplois peuvent avoir des difficultés à en retrouver un en se reconvertissant au sein de leur secteur ou en migrant vers un autre secteur, notamment les salariés les moins qualifiés ou dont la qualification est inadaptée. Certains d’entre eux touchés par le chômage de long terme voient leurs revenus baisser par rapport aux salariés qui conservent leurs emplois. En revanche, dans la mesure où les gains de productivité sont moins importants dans le secteur tertiaire alors même que la demande adressée à ce secteur augmente, un éventuel manque de main-d’œuvre dans certaines branches (restauration, bâtiment) peut avoir pour conséquence un accroissement des salaires nominaux permettant de rendre certaines branches d’activités plus attractives.
Par ailleurs, l’évolution du salaire moyen par tête est liée en partie à celle de la productivité. Ainsi, dans les secteurs où les gains de productivité sont plus faibles, les salaires risquent de s’accroître moins vite. À ce propos, une étude de l’Insee montre que : « En 1949 [en France], le salaire moyen par tête réel dans l’industrie était inférieur de 30 % à celui dans les services. En 2007, la hiérarchie s’est inversée (+8 % en faveur de l’industrie) : les augmentations salariales sur l’ensemble de la période ont été moins fortes dans les services (+2,2 % contre +3,0 %). »1
1 Bouvier, G. and Pilarski, C., 2008. Soixante ans d’économie française : des mutations structurelles profondes.
Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr Télécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/ses-terminale-specialite ou directement le fichier ZIP Sous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0